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Laurence Ray

"Jane Austen a gâché ma vie" au cinéma : interview de la réalisatrice Laura Piani

Dernière mise à jour : 29 déc. 2024

Au cinéma, les comédies romantiques sont nombreuses mais rares sont celles qui sont à la fois drôles, sensibles, pleines de charme et de poésie. « Jane Austen a gâché ma vie », le premier long métrage de Laura Piani, fait partie des belles surprises cinématographiques de ce début d'année. Ceux qui apprécient la célèbre romancière anglaise seront forcément attirés par ce titre si bien trouvé. Quant aux autres, qu'ils se rassurent :le film n'est nullement une thèse sur Jane Austen mais le portrait d'Agathe (interprétée avec beaucoup de délicatesse par Camille Rutherford), une libraire parisienne trentenaire, qui, plutôt que d'affronter la « vraie » vie et ses possibles déceptions, préfère se réfugier dans la littérature. Elle voudrait aimer et être aimée mais elle a terriblement peur de l'échec. Elle s'est lancée dans l'écriture d'un roman, mais elle ne croit pas vraiment en ses capacités. La vie d'Agathe va pourtant prendre un tournant inattendu quand, encouragée par sa sœur et son meilleur ami secrètement amoureux d'elle, elle va intégrer une résidence d'écrivains en Angleterre pendant deux semaines.


Dans son premier long métrage en tant que réalisatrice (elle a écrit de nombreux scénarios pour des séries notamment), Laura Piani a mis forcément un peu d'elle. Après des études de cinéma et de littérature à Paris et à Rome, elle a travaillé comme libraire à Shakespeare & Co à Paris et apprécie beaucoup Jane Austen. A l'occasion des 37e Rencontres Cinémtographiques de Cannes, nous l'avons rencontrée sur la terrasse ensoleillée de l'hôtel Splendid pour parler de son parcours, du film et bien sûr de littérature.


Laura Piani debout terrasse hôtel Splendid Cannes

Tout d'abord, pourquoi avez-vous choisi d'intituler votre film « Jane Austen a gâché ma vie » ?


Laura Piani : C'est mon titre de travail. Je n'ai jamais pu le lâcher. Il m'a donné un ton et une direction. On s'est souvent moqué de moi avec ce titre ! J'ai participé récemment à un festival qui invitait à la fois des cinéastes et des écrivains et une jeune fille m'a demandé de lui dédicacer son premier Jane Austen. Elle avait eu envie de lire l'un de ses romans en voyant le film ! J'en ai pleuré. J'étais très émue. Si mon film pouvait donner envie aux gens de lire ou de relire Jane Austen, j'en serais ravie !


Quel est votre roman préféré de Jane Austen ?


Laura Piani : C'est Persuasion. C'est le roman de la maturité. Au début, le personnage est très triste et a l'impression d'être passé à côté de sa vie. Ca m'a beaucoup inspirée. J'ai l'impression que ce personnage qui a fait des choix et qui a renoncé à certaines choses pour en avoir d'autres est peut-être le plus autobiographique des personnages de Jane Austen.


Agathe, l'héroïne de votre film est un peu comme ça. Elle a l'impression de ne pas être née dans le bon siècle...


Laura Piani : Je crois qu'on est nombreux à se sentir en décalage avec l'époque dans laquelle on vit. Il y a beaucoup de raisons pour le penser ! On vit dans une époque difficile : il y a une injonction au bonheur, au bien-être, à l'épanouissement. Pour une femme, il y a beaucoup d'injonctions. Ca peut être assez violent.


Le film est bien plus qu'une comédie romantique. C'est aussi un récit d'apprentissage...


Bande annonce du film "Jane Austen a gâché ma vie"


Laura Piani : Absolument ! C'est un récit d'apprentissage lié au deuil, à la question de l'héritage. Comment faire avec ce qu'on nous a transmis ? Comment ne pas être écrasé par les absents ? La passion de la littérature a été transmise à Agathe par son père. Mais la littérature est pour elle à la fois un refuge et une prison.


Vous avez vous-même été libraire et vous êtes une grande lectrice. Quels sont vos derniers coups de cœur ?


Laura Piani : En ce moment, je suis en train de lire un livre de Miranda July. Elle est un génie aboslu ! C'est l'histoire d'une artsite installée dans une vie de couple. Elle vit à Los Angeles. Un jour, elle est invitée à New York et elle décide de faire le trajet en voiture, seule. Elle sort à la première sortie et s'installe dans un motel. Elle ment à tout le monde. C'est à la fois drôle et caustique. Je peux passer de grands classiques à des romans contemporains. Le livre qui a le plus marqué ma vie, c'est « Les carnets d'or » de Doris Lessing. J'avais 22 ans quand je l'ai lu et ça m'a donné envie de faire un travail psychanalytique. J'aime aussi beaucoup James Salter. Je suis très émue par les romans où on a un vrai temps de vie avec les personnages. Le dernier livre que j'ai lu, c'est « Houris » de Kamel Daoud, qui a obtenu le Prix Goncourt.


En voyant le film, on se dit que le rôle d'Agathe était fait pour Camille Rutherford...


Laura Piani : Elle me touche beaucoup. Elle a une grâce dont elle n'a pas conscience. Elle incarne quelque chose de la féminité que je n'avais pas vraiment vu avant, ailleurs. Ca ne l'intéresse pas d'être belle. Cette maladresse fait son charme. Il y a quelque chose de très singulier en elle que je trouvais intéressant.


Vous aviez pensé à elle dès le début pour incarner Agathe ?


Laura Piani : En fait, comme j'étais scénariste, je n'ai même pas pensé que j'allais réaliser le film ! En général, j'écris pour des réalisateurs et pour des séries. La, c'était vraiment différent. La question de savoir qui allait interpréter Agathe est arrivée tard, c'est-à-dire au moment du casting. On a réfléchi à une actrice anglophone mais française, ce qui réduisait un peu le champ des possibles. Camille a un père anglais. Je l'avais trouvée éblouissante dans le film « Felicità ». Quand on la rencontre dans la vie, elle incarne quelque chose qui est très proche du personnage. Elle est évanescente et émouvante. C'est une belle personne.


C'est Pablo Pauly qui incarne son meilleur ami, collègue de travail et potentiel amant...


Laura Piani : J'avais écrit un film pour Arte qui s'appelait « Temps de chien », dans lequel il avait l'un des rôles principaux. Il est capable de faire rire tout un plateau. Il n'y a pas beaucoup d'acteurs français qui incarnent physiquement la comédie aussi bien. Il est aussi très sensible. Je suis partie de Camille puis j'ai trouvé Pablo et après il me fallait trouver un acteur anglais qui soit francophone. J'ai rencontré Charlie Anson qui est un acteur de théâtre. Il a un petit côté Hugh Grant. Je trouve qu'il a un physique intemporel.


On sent que votre film est nourri de plein de références, notamment pour la scène de bal...


Laura Piani : J'avais des références délirantes ! La plus grande, c'était « Retour à Howard's end » de James Ivory pour la lumière et pour le cadre. C'est génial d'avoir des références qui sont beaucoup trop ambitieuses. On fait ce qu'on peut et toute l'équipe a la même chose en tête ! Pour le bal, personne ne savait danser la valse. J'avais fait un court-métrage avec une actrice chinoise, qui était à la fois une grande danseuse de l'opéra de Pékin et prof de danse à Paris. Elle est venue sur le tournage et elle a coaché les acteurs pendant quatre heures. Elle a embarqué ses amis comme figurants !


« Jane Austen a gâché ma vie » va sortir en France le 22 janvier mais aussi à l'étranger...


Laura Piani : Oui ! On a eu la chance que le film soit sélectionné au Festival du Film de Toronto. Quelques jours avant, le studio américain Sony Classic Pictures l'a vu et a eu un coup de cœur. Ils ont décidé de le sortir partout dans le monde. C'est rare une sortie aux Etats-Unis pour un premier film français. C'est le titre qui leur a donné envie de voir le film !


Jane Austen a gâché ma vie de Laura Piani avec Camille Rutherford, Pablo Pauly, Charlie Anson... au cinéma le 22 janvier


Jane Austen a gâché ma vie Laura Piani affiche

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