Monsieur Aznavour de Medhi Idir et Grand Corps Malade fait partie des films les plus attendus de cette fin d'année. Avant qu'il ne sorte au cinéma le 24 octobre, les Niçois ont eu la chance de le découvrir en avant-première lors de la clôture de la sixième édition du festival Cinéroman. Medhi Idir, Tahar Rahim, Marie-Julie Baup (Edith Piaf), Bastien Bouillon (Pierre Roche) et l'acteur niçois Tigran Mekhitarian (dans le rôle de Missak Manouchian) ont foulé le tapis rouge pour présenter le film au public au Pathé Gare du Sud.
Un peu plus tôt dans l'après-midi, nous avons pu les rencontrer à l'Hôtel Negresco. Ils nous ont parlé de la naissance et de la préparation du film.
Medhi, aviez-vous parlé de votre projet à Charles Aznavour ?
Medhi Idir : Notre producteur, Jean-Rachid Kallouche, est le gendre de Charles Aznavour. Après notre premier film, « Patients », il avait fait part à Jean-Rachid de son désir d'un biopic sur sa vie. Il nous a confié cette tâche. On lui a alors dit comment on voyait ce biopic. Malheureusement il est décédé peu après et on a décidé de mettre le projet en suspens. On a ensuite fait « La vie scolaire » puis on s'est remis sur l'écriture du biopic.
Vous interprétez tous des personnes qui ont existé. Comment aborde-t-on ce genre de rôles ?
Marie-Julie Baup : En ce qui me concerne, interpréter Piaf peut paraître au départ très intimidant, d'autant plus qu'on passe après Marion Cotillard qui était extraordinaire dans « La Môme ». Je crois que tout se passe à un endroit où il faut se faire rencontrer sa propre nature et celle de la personne qu'on interprète. J'ai beaucoup regardé d'archives, de vidéos. J'ai essayé de trouver ce qui nous rapprochait toutes les deux. Ensuite, bien sûr, il y a eu beaucoup de travail personnel. J'avais toute une équipe autour de moi pour le maquillage, les prothèses. Enfiler la petite robe noire a été un moment magique et précieux ! Puis, il y a eu le travail du corps, de la voix. On a aussi eu le temps de travailler la voix avec un coach. Tout ça mis bout à bout a fait que le jour du tournage, une liberté s'est emparée de nous. Tout à coup, c'était possible de devenir un peu elle et un peu moi en même temps !
Tigran Mekhitarian : Pour moi, c'était différent car Missak Manouchian n'était pas connu en tant qu'artiste, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas mettre une voix ou un corps sur son nom. Je devais simplement faire confiance à Medhi et Fabien pour leus choix. Je suivais la direction d'acteur qu'il me donnait et ça se faisait tout seul.
Bastien Bouillon : Pour interpréter Pierre Roche, j'avais moins besoin de véracité même si on a encore des images et qu'on le voit sur des vidéos avec Charles Aznavour. Il y a eu une très grande amitié entre eux. Pierre Roche est le premier homme qui a cru en Charles Aznavour.
Tahar Rahim : En ce qui me concerne, l'idée était de faire mi-chemin entre Charles Aznavour et moi Je ne voulais pas porter de masque ou être grimé. On voulait qu'il y ait le moins possible de maquillage. On a beaucoup discuté avec Fabien, Medhi et Jean-Rachid et j'ai aussi eu la chance de rencontrer la famille de Charles, sa femme et ses enfants. Ces rencontres m'ont nourri et m'ont permis de le construire. On a eu la chance d'avoir sa fille, Katia, sur le plateau. Quand elle a dit qu'elle avait l'impression de voir son père, j'ai senti un immense soulagement. On s'est dit qu'on allait dans la bonne direction.
Vous sentez-vous proche de Charles Aznavour ?
Tahar Rahim : Chemin faisant, je me suis rendu compte qu'on a beaucoup de points communs. On est tous les deux fils d'immigrés, issus d'une strate sociale précaire, avec des rêves auxquels on ne semblait pas du tout être prédestinés. On est doués pour les langues, pour la non-frontière. Toutes ces choses m'ont beaucoup rassuré et m'ont permis d'avoir confiance en moi.
Avez-vous eu la chance de rencontrer Charles Aznavour ?
Tahar Rahim : Je suis allé le voir en concert. Ce qui m'a impressionné, c'est son énergie sur scène mai aussi son humilité. Il avait un rapport quasi familial avec le public. Sur scène, il était toujours vêtu de manière humble, sans apparât. Il avait une sincérité désarmante : quand quelque chose le traversait, il le partageait avec le public. J'ai pu le voir après le concert mais je ne suis pas resté longtemps. Je ne voulais pas l'embêter : il était tard et il signait plein d'autographes. Charles Aznavour faisait partie de nos vies. Quand je suis arrivé à Paris, il a beaucoup compté pour moi. J'avais mon discman et l'écouter me donnait de l'énergie !
C'est vous qui interprétez les chansons dans le film. Comment vous êtes-vous préparé ?
Tahar Rahim : Au départ, j'avais peur. Mais j'avoue que la peur, c'est quelque chose qui m'excite profondément ! Ca réveille une espèce d'instinct de survie en moi, qui me rappelle mes premiers instants dans ce métier. Ca fait du bien ! Au-delà de ça, je voulais apprendre à chanter pour la caméra, pour pouvoir être dans une vérité. Pour le chant, la gestuelle et le piano, il a fallu un travail d'observation qui a duré de longs mois. Puis, mon coach vocal m'a dit que j'étais capable de chanter réellement. Comme j'avais un sosie vocal, je me sentais en sécurité. J'ai pris six mois de cours à raison de six à huit heures par semaine. J'ai continué pendant le tournage. J'avais un certain avantage : dans les graves, j'avais déjà un voile et une espèce de similitude avec Charles. Quand le tournage a été terminé, j'ai dû revenir en studio et reprendre des cours de chant pour améliorer ce qui n'était pas complètement au point.
N'avez-vous pas eu trop de mal à sortir de ce personnage ?
Tahar Rahim : En fait, il m'est plus difficile d'entrer dans un personnage que d'en sortir ! Après, il reste toujours quelques vestiges, notamment dans la façon de parler, dans les expressions. Ma femme disait à Medhi qu'elle en avait marre que je parle comme Aznavour ! En tout cas, je tiens à dire que c'était le plus beau tournage de ma vie ! Il y avait beaucoup de synergie entre nous, acteurs. Tout s'est installé de manière assez fluide.
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