On attend toujours avec une certaine impatience chaque nouveau film de Claude Lelouch. Depuis quelques jours, les cinémas diffusent la bande-annonce de "Finalement", son 51e film, en prenant soin de ne pas dévoiler grand-chose de l'intrigue. Kad Merad, une trompette à la main, parle à demi-mots de son personnage, un homme qui a fui sa famille et son métier et qui parcourt la France, allant de rencontre en rencontre. Comme dans tous les films de Claude Lelouch, il est question de hasards, de coïncidences, et beaucoup d'amour.
Il y a quelques jours, Claude Lelouch était à Nice pour présenter son film en avant-première. Au cours d'une interview passionnante, il nous a parlé de ce 51e film, de sa collaboration avec Kad Merad et, tout simplement, de la vie.
L'affiche du Film : Finalement
C'est la première fois que vous dirigez Kad Merad. Pourquoi avoir pensé à lui pour ce rôle ?
Claude Lelouch : C'est le hasard qui m'a fait tomber sur lui. Je pensais à beaucoup de gens pour ce rôle mais pas à Kad Merad. Un jour, ma femme a pris le train avec lui et il lui a dit qu'il rêvait de tourner avec moi. Elle m'a alors téléphoné pour me dire qu'elle était avec lui. J'ai immédiatement pensé à lui pour le rôle. Je l'ai appelé et le lendemain il était dans mon bureau. J'ai commencé par lui faire écouter la musique du film parce que j'enregistre toujours la musique en premier. On était fait pour se rencontrer !
C'est un film très contemporain dans lequel on retrouve les thèmes qui vous sont chers...
Claude Lelouch : J'avais très envie de faire un film sur la période qu'on est en train de traverser. On a tous les outils pour faire un monde nouveau mais avec ces mêmes outils on peut précipiter sa chute. La musique est aussi très importante dans ce film. Elle parle à notre part d'irrationnel. Dans mes films, j'aime bien mélanger le rationnel et l'irrationnel. J'avais envie de parler de la santé qui est un préalable à tout, l'amour qui est toujours une punition ou une récompense, l'amitié, la famille, l'argent. Je me suis amusé avec mes thèmes récurrents qui sont ceux de tout le monde.
Dans "Finalement", vous faites référence à votre filmographie...Il y a plein de clins d'oeil à certains de vos films...
Claude Lelouch : Avec ce film, j'avais envie de finir certains de me films. C'est la suite de "L'aventure, c'est l'aventure", "La bonne année', "Les uns et les autres". Comme je me rapproche de la ligne d'arrivée, j'avais aussi envie de parler de la guerre, avec le Débarquement...
Vous faites également référence à d'autres films, dont "Sur la route de Madison"...
Claude Lelouch : Pour moi, ce film est un chef-d'oeuvre ! Il montre que les souvenirs peuvent être très importants. J'ai aussi fait un hommage à "La grande illusion". Je pense que les fermes et la campagne peuvent jouer un grand rôle dans les histoires d'amour. J'ai dit à Kad que son personnage était un vagabond, une sorte de Charlie Chaplin des Temps modernes. Il a aussi un côté de Belmondo dans 'Itinéraire".
La musique est toujours importante dans vos films...
Claude Lelouch : Oui, j'ai très vite compris que la musique parlait à notre coeur tandis que le scénario parle à notre intelligence, à notre part de rationnel. Avec la musique on a la chair de poule. La musique fait du bien à tout le monde. J'ai envie que mes films fassent du bien aux gens ! La musique et tous les arts sont là pour nous faire rêver.
Kad Merad et Claude Lelouch à l'hôtel Beau Rivage à Nice
Vous qualifiez votre film de "fantaisie musicale mise en vie par Claude Lelouch"....
Claude Lelouch : Plus je fais de films, plus j'ai le sentiment de ne pas être un metteur en scène. Je suis un metteur en vie ! Je travaille avec un grand scénariste qui s'appelle la vie. Tous mes films m'ont été inspirés par la vie. J'ai le sentiment dans entendu les dialogues de mes films dans la rue. Je me suis donné beaucoup de mal pour filmer ce que j'aimais. J'ai filmé des hommes et des femmes que j'avais aimé avoir comme amis et des femmes que j'avais envie de prendre dans mes bras. C'est facile de filmer ce qu'on aime. Les 51 films que j'ai faits sont construits sur mon intime conviction. Après avoir vécu toutes ces années, le positif est plus fort. Toutes les grandes catastrophes de l'humanité ont permis de faire des progrès, c'est-à-dire que tout ce qui m'a fait du mal m'a fait du bien. L'échec est la cause du bonheur. C'est un peu le sujet du film !
Vous avez confié la musique à Didier Barbelivien et à Ibrahim Maalouf....
Claude Lelouch : Quand Francis Lai est parti, il fallait que je le remplace. Je sais qu'il aimait beaucoup Ibrahim Maalouf. Quant à Didier Barbelivien, il a écrit de très belles chansons.
Barbara Pravi est présente dans le film. Elle a un rôle et elle chante...
Claude Lelouch : Elle est formidable. Elle a tout ce qu'il faut pour entrer dans mon cinéma. J'avais entendu parler d'elle à l'Eurovision. J'ai pensé qu'elle serait la fille idéale de Kad Merad dans le film. Un jour Michel Drucker m'a appelé pour me dire que je devrais faire tourner Barbara Pravi. Je lui ai répondu que j'étais d'accord avec lui !
Dans le film, Lino (Kad Merad) parcourt la France. Vous adressez comme une déclaration d'amour à la France....
Claude Lelouch : Exactement ! J'avais très envie de dire merci à la France. Grâce à elle, j'ai pu faire 51 films en toute liberté. Et puis, c'est le plus beau pays du monde. Je peux le dire car j'ai fait le tour du monde plusieurs fois. J'adore la France. Je suis Parisien mais j'adore sortir de la capitale. Paris, c'est ma femme et la France, c'est ma maîtresse ! J'ai filmé la France que j'aime.
Lino qu'incarne Kad Merad part parce qu'il en a assez...Il se comporte comme un homme libre et dit même tout ce qu'il pense...
Claude Lelouch : C'est un peu ce qu'est en train de vivre notre société. Les gens n'ont jamais été autant perdus alors qu'on dispose de tous les outils pour rendre le monde meilleur. La première chose que fait Lino quand il part, c'est jeter son portable et sa carte bleue. C'est à cette condition-là qu'on peut retrouver sa liberté. Dans notre société, on a beaucoup de contraintes. Je suis un reporter bienveillant de la vie. C'est vrai que j'ai besoin de liberté de temps en temps. Aujourd'hui, la liberté commence avec la marche. C'est aussi la possibilité de se reconnecter avec la nature.
"Finalement" est votre 51e film. Qu'est-ce qui vous donne envie de continuer à faire du cinéma ?
Claude Lelouch : C'est cette faculté d'émerveillement que j'ai tous les matins. On passe notre vie à faire des choses pour la dernière fois. A l'âge que j'ai, je commence à faire des choses pour la dernière fois. Ca fait un mélange curieux, qui fait que je peux faire ce genre de film. Je commence à voir la ligne d'arrivée mais pour moi ce n'est pas la fin. Je pense que la mort est la plus belle invention de la vie mais c'est difficile à expliquer.
"Finalement" de Claude Lelouch avec Kad Merad, Sandrine Bonnaire, Elsa Zylberstein, Michel Boujenah, Barbara Pravi, Marianne Denicourt...
Bande annonce du Film : Finalement avec Kad Merad
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